#6 : Soir du 6 juin
Le Dr G était toujours sans nouvelles directes de ses collègues de l’Ouest, non plus que de la Dre CG. Il avait pris l’initiative de demander au commis, lors de l’envoi de ses derniers courriers, d’informer les bureaux des postes de son désir de recevoir, chez lui, les diverses presses des villes par lesquelles il savait que la Dre ML devait faire halte. L’analyse du fragment gravé prenait ainsi un retard conséquent tant les piles de journaux étaient importantes et que le Dr G se faisait un point d’honneur à ne pas laisser glisser la moindre information qui put s’avérer capitale sous ses aspects les plus banals. Ainsi, les rubriques des faits-divers et les feuillets les plus populaires retenaient toujours plus son attention. La récurrence des évocations de formes humanoïdes étranges aux bords des routes, au Manitoba et en Ontario, retint particulièrement son attention, de même que les nombreuses plaintes de disparition d’objets, dont il identifia la caractéristique commune d’être composés de matière plastique. Lorsque son œil se posa sur un cliché amateur, devant représenter, malgré le flou, l’orée d’une forêt dont seule la manipulation physique de la page devant une lumière laissait miroiter, par le reflet de l’encre, deux points métalliques en haut d’une silhouette gracile et courbée qui aurait pu être définie d’humanoïde si les courbures de son échine, l’oblong de son crâne et la longueur de ses bras n’avaient point été aussi dérangeants et vaporeux, il s’en arracha d’un sursaut alors que retentissait le tressaillement métallique du téléphone de l’entrée.
Il se leva et rejoignit le couloir, porta la partie mobile de l’appareil à son oreille et présenta sa bouche à la partie fixée au mur en émettant un « Dr G, j’écoute ! » fort et volontaire – il se faisait toujours un malin plaisir à parler français malgré la majorité anglophone de la ville. Une voix féminine altérée par la transmission lui demanda s’il acceptait un appel en provenance d’un anonyme, ce à quoi il répondit positivement. Le grain de la transmission disparut sous un souffle plus doux. Puis, suite à un petit cliquetis électrique, un silence complet lui fit croire que l’opératrice avait perdu la transmission. Il s’approcha de l’appareil doucement afin de parler quand son inspiration vint faire serpenter un mince filet d’air chaud de ses lèvres à sa gorge, comme s’il eut été au-dessus d’une bougie. À peine eut-il le temps d’en prendre conscience qu’une voix aussi limpide que si l’interlocuteur fut en face de lui retentit du téléphone. Sans avoir pu faire sens de ce qu’il venait d’entendre, ses jambes chancelèrent. Dans une courbe involontaire, son regard se porta au travers des mosaïques de verre de la porte d’entrée avant de l’éblouir entièrement et de le laisser ainsi, baigné des rayons d’un soleil dont il n’avait plus conscience.
Il se leva et rejoignit le couloir, porta la partie mobile de l’appareil à son oreille et présenta sa bouche à la partie fixée au mur en émettant un « Dr G, j’écoute ! » fort et volontaire – il se faisait toujours un malin plaisir à parler français malgré la majorité anglophone de la ville. Une voix féminine altérée par la transmission lui demanda s’il acceptait un appel en provenance d’un anonyme, ce à quoi il répondit positivement. Le grain de la transmission disparut sous un souffle plus doux. Puis, suite à un petit cliquetis électrique, un silence complet lui fit croire que l’opératrice avait perdu la transmission. Il s’approcha de l’appareil doucement afin de parler quand son inspiration vint faire serpenter un mince filet d’air chaud de ses lèvres à sa gorge, comme s’il eut été au-dessus d’une bougie. À peine eut-il le temps d’en prendre conscience qu’une voix aussi limpide que si l’interlocuteur fut en face de lui retentit du téléphone. Sans avoir pu faire sens de ce qu’il venait d’entendre, ses jambes chancelèrent. Dans une courbe involontaire, son regard se porta au travers des mosaïques de verre de la porte d’entrée avant de l’éblouir entièrement et de le laisser ainsi, baigné des rayons d’un soleil dont il n’avait plus conscience.