#3 : 2 juillet
Samedi, le ** juin ****
Merde, E., tes nouvelles sont arrivées bien tard ! Mais juste à temps pour empêcher une sotte gaffe de ma part. J’étais enfin parvenu à rencontrer le type en charge de la succession au bureau de Bucarest qui se décidait finalement à faire avancer les choses, et j’allais me mettre en route vers le Nord pour régler les détails sur le lieu même, quand j’ai pu lire ce que tu m’as envoyé. Mais comment peut-il y avoir autant de nouveaux foyers d’infection ? De deux choses l’une : soit la Confédération a retardé l’annonce des nouveaux foyers (ce qui serait de toute façon le cas dans les nouvelles pour les civils, mais ce que l’on aurait su par nos contacts au militaire), soit la diffusion de l’infection est accélérée par un nouveau facteur. Et qu’est-ce que cette insanité de libéralisation de l’armement personnel ? Ça ne ressemble pas à la Confédération. On dirait presque que nos amis les Confédérés agissent sous l’influence de l’Alliance… Enfin, je ne peux que te féliciter d’avoir réagi vite dans la cause Vaccination. La firme est bien positionnée pour agir, et tu es le mieux placé pour soutirer le plus d’information possible aux labos. Dès que tu reçois quelques nouvelles que ce soit, trouve le moyen de me les faire parvenir.
Tu te doutes, bien sûr, de l’effet que tes nouvelles ont eu sur moi. Après m’être précipité à la station D. dans un mouvement instinctif pour revenir à Montréal, j’ai dû me laisser convaincre par la Sécu que le voyage était à ce moment à la fois périlleux et inutile. Je m’en suis d’abord voulu de mon timing de merde, mais, comme tu sais, certaines choses dans la région ici me tiennent à cœur, et je me suis bien vite reviré pour tenter d’avancer de ce côté.
Comme je le disais plus tôt, les démarches que j’étais en train d’accomplir m’ont paru être une gaffe à la lumière des nouveaux développements. J’avais décidé de convaincre notre cliente de conserver la demeure, sachant que les prix dans la région étaient à leur plus bas et qu’il était plus sage d’attendre. J’avais d’ailleurs repoussé plusieurs offres d’acheteurs insistants – je comprends maintenant leur persistance, qui me paraissait étrange. Je dois maintenant la persuader de vendre, comme tu le proposes, mais de vendre à une personne bien précise. Je refuse de laisser ce lieu, que dis-je, ce nœud de la plus haute importance, dans les mains de quiconque plus ou moins plausiblement lié à l’Alliance. Je ne cesse de voir leur maudit symbole qui me rappelle tous les jours mon dégoût pour leurs pratiques et le danger planétaire que celles-ci nous font encourir.
Tu te doutes, bien sûr, de l’effet que tes nouvelles ont eu sur moi. Après m’être précipité à la station D. dans un mouvement instinctif pour revenir à Montréal, j’ai dû me laisser convaincre par la Sécu que le voyage était à ce moment à la fois périlleux et inutile. Je m’en suis d’abord voulu de mon timing de merde, mais, comme tu sais, certaines choses dans la région ici me tiennent à cœur, et je me suis bien vite reviré pour tenter d’avancer de ce côté.
Comme je le disais plus tôt, les démarches que j’étais en train d’accomplir m’ont paru être une gaffe à la lumière des nouveaux développements. J’avais décidé de convaincre notre cliente de conserver la demeure, sachant que les prix dans la région étaient à leur plus bas et qu’il était plus sage d’attendre. J’avais d’ailleurs repoussé plusieurs offres d’acheteurs insistants – je comprends maintenant leur persistance, qui me paraissait étrange. Je dois maintenant la persuader de vendre, comme tu le proposes, mais de vendre à une personne bien précise. Je refuse de laisser ce lieu, que dis-je, ce nœud de la plus haute importance, dans les mains de quiconque plus ou moins plausiblement lié à l’Alliance. Je ne cesse de voir leur maudit symbole qui me rappelle tous les jours mon dégoût pour leurs pratiques et le danger planétaire que celles-ci nous font encourir.
C’est pour cette raison que, sous le nom de Jones, je vais me porter acquéreur de la demeure de notre sympathique cliente. Que je te voie en souffler mot à qui que ce soit au cabinet ! Je sais qu’il ne nous est pas permis d’acheter directement des clients. J’ai bien failli d’ailleurs ne pas t’en parler, mais… vois-tu, je suis un peu à court. Pour que l’achat fonctionne, j’aurais besoin d’un petit coup de pouce financier d’un ami… Tu peux me virer 3000 P.E. ?? Je te promets, tu m’en remercieras quand tu comprendras l’ampleur de ce que je suis en train de mettre à jour ici. Ce que tu appelles mes « lubies européennes », mon cher, pourraient bien nous éclairer, sinon sur la propagation du mimosa, du moins sur ses origines.
Mais comment puis-je te convaincre ? La Confédération craint que son territoire ne soit le lieu des pires foyers d’infection ; elle cherche à étouffer ce qui lui paraît être le nœud d’origine, croyant que les sources européennes officielles soient une fiction propagée par le Congrès. C’est là que mes lectures entrent en compte. Elles m’ont persuadé que le premier cas de mimosa ne s’est pas produit en quatre-vingt-quinze, en Europe de l’Ouest, pour rapidement se propager en Amérique, comme c’est maintenant coutume de l’affirmer. Ses sources remontent à beaucoup plus loin que ça, et viennent de l’Est, et il faut retracer le cours de l’histoire des infections de la région pour en avoir le cœur net.
J’ai maintenant traversé les Carpates, je devrais pouvoir me rendre directement sur le site de la demeure dans les prochains jours.
Mais comment puis-je te convaincre ? La Confédération craint que son territoire ne soit le lieu des pires foyers d’infection ; elle cherche à étouffer ce qui lui paraît être le nœud d’origine, croyant que les sources européennes officielles soient une fiction propagée par le Congrès. C’est là que mes lectures entrent en compte. Elles m’ont persuadé que le premier cas de mimosa ne s’est pas produit en quatre-vingt-quinze, en Europe de l’Ouest, pour rapidement se propager en Amérique, comme c’est maintenant coutume de l’affirmer. Ses sources remontent à beaucoup plus loin que ça, et viennent de l’Est, et il faut retracer le cours de l’histoire des infections de la région pour en avoir le cœur net.
J’ai maintenant traversé les Carpates, je devrais pouvoir me rendre directement sur le site de la demeure dans les prochains jours.
Continue d’être prudent, et n’oublie pas le transfert de fonds…
Bien à toi,
J.
Bien à toi,
J.
Samedi, le ** juin ****
Très chère É.,
Si, par quelque miracle, ce message te parvient, lis bien ceci : ne reviens pas à Montréal. On dit que les nouvelles y sont mauvaises, que le mimosa monte vers le Nord et arrive aux frontières de l’île.
Si jamais le cabinet t’écrit pour demander ton retour, ignore la demande. Explique que tout voyage est impossible ; trouve une raison, peu importe. Convainc-les qu’il te faut rester en Islande, ou bien cesse toute communication. Ne fais pas confiance à E., il peut très bien sembler t’inciter à rester à Reykjavik, mais je le soupçonne de vouloir te manipuler pour que ton retour éventuel à Montréal ne paraisse pas être son idée. Il trouverait facilement une raison plausible pour t’inciter à changer tes plans (un membre de ta famille infecté ; ton expertise essentielle pour la prise en charge d’une cause par la firme, etc.). Ne l’écoute pas. Fais-moi confiance, ta présence au Nord est bien plus stratégique qu’à Montréal. Restes-y et fais bien attention à ce et à ceux qui t’entourent.
Ton dévoué,
J.
Si, par quelque miracle, ce message te parvient, lis bien ceci : ne reviens pas à Montréal. On dit que les nouvelles y sont mauvaises, que le mimosa monte vers le Nord et arrive aux frontières de l’île.
Si jamais le cabinet t’écrit pour demander ton retour, ignore la demande. Explique que tout voyage est impossible ; trouve une raison, peu importe. Convainc-les qu’il te faut rester en Islande, ou bien cesse toute communication. Ne fais pas confiance à E., il peut très bien sembler t’inciter à rester à Reykjavik, mais je le soupçonne de vouloir te manipuler pour que ton retour éventuel à Montréal ne paraisse pas être son idée. Il trouverait facilement une raison plausible pour t’inciter à changer tes plans (un membre de ta famille infecté ; ton expertise essentielle pour la prise en charge d’une cause par la firme, etc.). Ne l’écoute pas. Fais-moi confiance, ta présence au Nord est bien plus stratégique qu’à Montréal. Restes-y et fais bien attention à ce et à ceux qui t’entourent.
Ton dévoué,
J.