#6 : 8 février
"La mer ?" S'était-il exclamé alors qu'il avait couru en haut de la butte où la forêt s'ouvrait vers l'aurore. "Mais comment...?" Une large baie se trouvait maintenant devant lui, le ciel bleu profond plongeait dans cette mer d'argent, le soleil commençait à étendre ses longues ombres matinales. Le ressac était extrêmement sonore et l’odeur du goémon puissant, il n’y avait pas de doute sur la nature de cette étendue d’eau. Mais, pourtant, rien, rien ne pouvait expliquer la présence de cette mer, ici, lui qui avait si peu marché, depuis le centre de Paimpont. Il aurait dû croiser des villages, entendre des clochers, au moins croiser une route. Que s’était-il passé ? Avait-il perdu l'esprit en marchant et oublié tout cela ? Non... Tout était clair dans sa tête.
Portant le regard de nouveau vers l'horizon, il constata que le vent ne lui amenait plus seulement les odeurs salines, mais un majestueux mur de brume qui se détachait de l'horizon. À peine eut-il le temps de descendre sur la plage qu'il en fut entièrement submergé. Le ressac était devenu silencieux, l'air s'était comme étouffé, le monde ne se réduisait plus qu’à à peine deux coudées autour de lui. C'était comme si sa respiration et son cœur devenaient toujours plus audibles, tandis qu’à ses pieds l'eau allait et venait, dans un silence qui n'aurait jamais pu faire croire qu'une profondeur sans limites se trouvait devant lui.
Quand le chien quittait cette bulle, il n'en entendait même plus les pas. Puis il réapparaissait comme par magie d'un autre côté avant de se volatiliser de nouveau. La ligne d'eau devenait le seul référent d'orientation et, ne sachant pas si la marée était montante ou descendante, l'homme de lettres s'assit face à ce seul petit phénomène de vie se manifestant dans cette bulle de silence. Mais rapidement il entendit, très sourd, les aboiements du chien. Il se releva, tenta de l'appeler et connut l'étrange expérience de sentir ses mots mourir sous ses yeux, comme si sa voix ne pouvait porter plus loin que son regard, absorbée par la brume. Il se concentra et tenta de se diriger vers les aboiements fantomatiques en suivant la ligne du ressac de la mer, cette petite bulle intime arrachée à l’infini des fonds marins, si proche. Puis le chien apparut, assis, regard porté vers le vide blanc, au-delà des doux va-et-vient de l’eau. L'homme tourna son regard vers cette épaisseur diaphane. Rapidement, il entendit, très ténus, des bruits de vague se brisant, très courte, très régulière, des bruits d'éclaboussure, des bruits de pas en fait, et des marmonnements, puis, plus nette, un grand « splash », l’exclamation humide d'une voix forte et profonde, un juron, clairement, en gaélique...
Portant le regard de nouveau vers l'horizon, il constata que le vent ne lui amenait plus seulement les odeurs salines, mais un majestueux mur de brume qui se détachait de l'horizon. À peine eut-il le temps de descendre sur la plage qu'il en fut entièrement submergé. Le ressac était devenu silencieux, l'air s'était comme étouffé, le monde ne se réduisait plus qu’à à peine deux coudées autour de lui. C'était comme si sa respiration et son cœur devenaient toujours plus audibles, tandis qu’à ses pieds l'eau allait et venait, dans un silence qui n'aurait jamais pu faire croire qu'une profondeur sans limites se trouvait devant lui.
Quand le chien quittait cette bulle, il n'en entendait même plus les pas. Puis il réapparaissait comme par magie d'un autre côté avant de se volatiliser de nouveau. La ligne d'eau devenait le seul référent d'orientation et, ne sachant pas si la marée était montante ou descendante, l'homme de lettres s'assit face à ce seul petit phénomène de vie se manifestant dans cette bulle de silence. Mais rapidement il entendit, très sourd, les aboiements du chien. Il se releva, tenta de l'appeler et connut l'étrange expérience de sentir ses mots mourir sous ses yeux, comme si sa voix ne pouvait porter plus loin que son regard, absorbée par la brume. Il se concentra et tenta de se diriger vers les aboiements fantomatiques en suivant la ligne du ressac de la mer, cette petite bulle intime arrachée à l’infini des fonds marins, si proche. Puis le chien apparut, assis, regard porté vers le vide blanc, au-delà des doux va-et-vient de l’eau. L'homme tourna son regard vers cette épaisseur diaphane. Rapidement, il entendit, très ténus, des bruits de vague se brisant, très courte, très régulière, des bruits d'éclaboussure, des bruits de pas en fait, et des marmonnements, puis, plus nette, un grand « splash », l’exclamation humide d'une voix forte et profonde, un juron, clairement, en gaélique...