#8 : 18 juillet
Tout se passa précipitamment, comme si le temps qui n’avait pas semblé s’écouler au cours de la traversée reprenait non seulement son cours mais s’efforçait de le rattraper, s’accélérant et se concentrant en ce moment précis. Dans la clarté du matin qui pointait, l’homme assis dans la barque sentit la fébrilité de Blàth, le vit remuer à la proue de l’embarcation, puis bondir et plonger dans un mouvement unique qui n’envoya que quelques gouttelettes dans le bateau. D’un même mouvement l’homme se précipita vers l’avant pour suivre la plongée du chien mais ne vit plus trace de lui dans les profondeurs de l’eau pourtant limpide. Penché à la proue, il n’eut pas le loisir de se questionner sur cette disparition subite; ses pensées furent coupées court d’un fort impact à la tête. Étourdi mais conscient, il s’assit en redressant la nuque, et se découvrit surplombé d’une stèle de pierre grise dont il ne pouvait dans les hauteurs que deviner la finale pointue.
Les dernières semaines – si ce temps pouvait de quelque façon que ce soit être mesuré en termes de jours ou de semaines – les avaient vu fendre l’eau sur une embarcation qui ne semblait pas de prime abord pouvoir être à la hauteur de leur entreprise. L’inquiétude que l’homme avait ressentie au moment de s’y embarquer, quand il avait constaté que sa compagne de route n’emportait avec elle aucune victuaille, n’avait d’égale que l’incrédulité qu’il éprouvât devant ses aptitudes à conjurer pour eux tous de quoi se sustenter à chaque fois que le besoin s’en faisait sentir. Chaque nouvelle aube le rendait à la fois plus fébrile et plus calme, rassuré par le bon déroulement de leur route, apaisé de voir ses rêves peuplés de détours, de combats et d’écueils, s’esstomper devant la réalité des deux êtres avec qui il faisait route.
À voir cet homme qui ne pouvait la comprendre perdre la conscience du temps qui s’écoule, la femme regagnait au contraire un sentiment qu’elle avait cru perdu ; celui que son temps, bientôt, elle l’espérait, pourrait être compté, que sa trajectoire pourrait acquérir une force longtemps estompée et sa vie, ayant de nouveau une fin, retrouver son sens. La présence de Blàth à ses côtés, qui la rattachait à un passé, en même temps la projetait dans un avenir qu’elle souhaitait maintenant plus que tout.
La bête avait d’abord confusément senti que les retrouvailles avec Isleen ne sauraient être que de courte durée ; que leurs chemins, une fois de plus, ne pourraient que se scinder et que c’est avec son nouveau compagnon de route que son amie continuerait sa quête. Il espérait que sa présence lors de cette traversée, que ces moments de communion, dans la souffrance et la joie des luttes passées remémorées, donneraient à son amie le courage d’achever sa quête. Percevant sans pourtant la voir l’île surplombée de la stèle, il s’élança hors de la barque, sachant que s’il était temps pour Isleen de retrouver sa fin, la sienne était toujours à recommencer. Il avait su mener ces deux humains à bon port et devait maintenant retourner là d’où il était venu, prêt à être de nouveau le guide de ceux qui sauraient le trouver.
À voir cet homme qui ne pouvait la comprendre perdre la conscience du temps qui s’écoule, la femme regagnait au contraire un sentiment qu’elle avait cru perdu ; celui que son temps, bientôt, elle l’espérait, pourrait être compté, que sa trajectoire pourrait acquérir une force longtemps estompée et sa vie, ayant de nouveau une fin, retrouver son sens. La présence de Blàth à ses côtés, qui la rattachait à un passé, en même temps la projetait dans un avenir qu’elle souhaitait maintenant plus que tout.
La bête avait d’abord confusément senti que les retrouvailles avec Isleen ne sauraient être que de courte durée ; que leurs chemins, une fois de plus, ne pourraient que se scinder et que c’est avec son nouveau compagnon de route que son amie continuerait sa quête. Il espérait que sa présence lors de cette traversée, que ces moments de communion, dans la souffrance et la joie des luttes passées remémorées, donneraient à son amie le courage d’achever sa quête. Percevant sans pourtant la voir l’île surplombée de la stèle, il s’élança hors de la barque, sachant que s’il était temps pour Isleen de retrouver sa fin, la sienne était toujours à recommencer. Il avait su mener ces deux humains à bon port et devait maintenant retourner là d’où il était venu, prêt à être de nouveau le guide de ceux qui sauraient le trouver.
La main appuyée sur la stèle, encore médusé par la fuite soudaine de Blàth, l’homme tourna le cou juste à temps pour voir la femme poser un pied sur le rebord de la barque, et avancer l’autre au-dessus de l’eau calme.
À suivre...
|