#2 : 22 août
Les braises étaient maintenant tout à fait mortes, et il s’affairait à les déplacer et à les fouiller, espérant sans doute y dénicher un reste de nourriture. Il n’avait rejoint ce campement de fortune qu’au petit matin, ayant erré dans les bois une bonne partie de la nuit. Il n’avait été mu par rien qui d’habitude aurait su le tirer de son sommeil de gardien, rien qui aurait pu justifier une telle route nocturne, rien, en fait, qui eut pu être expliqué. Il avait soudain senti se dresser ses oreilles, et poindre en lui le besoin de courir, d’aller rejoindre un être dont il semblait pouvoir sentir la présence d’une irréaliste distance.
Ses maîtres ne l’avaient pas vu détaler, et si c’eût été le cas, ils n’auraient pas pu distinguer son mouvement de celui qui le guidait lorsqu’une proie se faisait détecter à portée de sa course. Ils se demanderaient les jours suivants ce qui avait bien pu retenir le chien aussi loin de leur habitation, tout en comptant sur son retour après quelques temps, chose somme toute peu inhabituelle. Puis, ils finiraient par s’habituer à son absence, et enfin par supposer sa mort, comprenant qu’il ne reviendrait jamais garder le troupeau.
Il poursuivait dans le petit matin sa quête inexplicable et pourtant si limpide, poussé par un atavisme serein. Chaque mouvement de ses pattes blanches et noires paraissait guidé par tous ceux de sa lignée, traçant un chemin qu’il ne lui restait qu’à savoir lire dans ses veines. Or, si ce sang lui montrait à présent à ne point perdre la trace de l’homme qu’il devait rejoindre, il saurait aussi lui apprendre à cesser d’être celui qui suit, et à devenir le temps venu le guide dont on espérait l’arrivée.
Les rayons tombaient verticalement d’entre les feuilles quand la bête sentit l’excitation monter et se sut arrivée à destination. Celui qu’elle cherchait était là à l’attendre, au détour d’un arbre. La haute stature de l’homme la couvrit soudain de sa grande ombre. S’il eut été possible de lire en l’esprit de la bête à cet instant, l’on eut été bien étonné de n’y déceler ni trace de crainte, ni de surprise, mais un sentiment de reconnaissance devant cet homme qu’elle n’avait jamais vu.
Ses maîtres ne l’avaient pas vu détaler, et si c’eût été le cas, ils n’auraient pas pu distinguer son mouvement de celui qui le guidait lorsqu’une proie se faisait détecter à portée de sa course. Ils se demanderaient les jours suivants ce qui avait bien pu retenir le chien aussi loin de leur habitation, tout en comptant sur son retour après quelques temps, chose somme toute peu inhabituelle. Puis, ils finiraient par s’habituer à son absence, et enfin par supposer sa mort, comprenant qu’il ne reviendrait jamais garder le troupeau.
Il poursuivait dans le petit matin sa quête inexplicable et pourtant si limpide, poussé par un atavisme serein. Chaque mouvement de ses pattes blanches et noires paraissait guidé par tous ceux de sa lignée, traçant un chemin qu’il ne lui restait qu’à savoir lire dans ses veines. Or, si ce sang lui montrait à présent à ne point perdre la trace de l’homme qu’il devait rejoindre, il saurait aussi lui apprendre à cesser d’être celui qui suit, et à devenir le temps venu le guide dont on espérait l’arrivée.
Les rayons tombaient verticalement d’entre les feuilles quand la bête sentit l’excitation monter et se sut arrivée à destination. Celui qu’elle cherchait était là à l’attendre, au détour d’un arbre. La haute stature de l’homme la couvrit soudain de sa grande ombre. S’il eut été possible de lire en l’esprit de la bête à cet instant, l’on eut été bien étonné de n’y déceler ni trace de crainte, ni de surprise, mais un sentiment de reconnaissance devant cet homme qu’elle n’avait jamais vu.