#5 : 3 décembre
L’homme jetait les petits blocs de nourriture, l’homme jetait les blocs, et ne les gardait pas, l’homme lui jetait les blocs alors qu’il devait les garder pour lui, devait avoir assez de force, ne pas gaspiller, garder le cap. C’était presque le bout du chemin de terre, mais le chemin de terre n’était pas la fin de la route. La bête le savait, et savait qu’elle saurait dénicher de quoi se nourrir beaucoup plus facilement que l’homme, et qu’il ne devait pas jeter les petits blocs. Et surtout, qu’il devait le suivre. Mais il s’était arrêté, il jetait les blocs et s’arrêtait ; il ne suivait plus comme avant, et la bête sentait monter en elle le besoin de faire comprendre, de faire saisir à tout prix. Quelqu’un d’autre les attendait là-bas, au bout de l’eau, quelqu’un qui l’appelait, de l’autre côté de l’eau. La bête devait opérer le passage ; ce quelqu’un qui savait soufflait en lui un message tel un noroît, lui insufflait maintenant de mener l’homme vers cet autre royaume tout près de lui sans qu’il le sache pourtant, et d’où la voix qui les avait guidés à travers les bois les attendait.
Mais l’homme hésitait et l’homme jetait, et la bête avait jappé d’abord, puis refusé de prendre, avait poursuivi la route, mais ne sentait plus la présence toute proche de l’homme suivant ses pas. Et pourtant c’était l’eau, elle savait, c’était l’eau, qui serait devant eux si vite, qui était si près. Au matin les deux êtres verraient l’eau, au matin, même ce soir, c’était possible. Mais l’homme avait hésité, n’était plus là, s’était arrêté, et il fallait le relancer, le convaincre, le guider.
La bête revint face à l’homme. Le toucha à la main du museau. Repartit. Seule. L’homme ne suivait toujours pas. La bête revint. Face à l’homme, elle regarda ce grand être qui ne suivait plus, sentit son incertitude, souhaita qu’il sentît l’urgence de sa requête. Elle vit que l’homme tenait toujours le sac de petits blocs, le saisit de ses dents, fixa l’homme à l’air interdit puis soudain résigné, et partit, maintenant confiante qu’elle était suivie, et qu’ils atteindraient bientôt la fin du chemin de terre.
Bientôt le dernier arbre. Bientôt le son des vagues.
Bientôt la brise.
La mer.
Assise à côté du soulier du grand homme, la bête recracha le sac de petits blocs.
Mais l’homme hésitait et l’homme jetait, et la bête avait jappé d’abord, puis refusé de prendre, avait poursuivi la route, mais ne sentait plus la présence toute proche de l’homme suivant ses pas. Et pourtant c’était l’eau, elle savait, c’était l’eau, qui serait devant eux si vite, qui était si près. Au matin les deux êtres verraient l’eau, au matin, même ce soir, c’était possible. Mais l’homme avait hésité, n’était plus là, s’était arrêté, et il fallait le relancer, le convaincre, le guider.
La bête revint face à l’homme. Le toucha à la main du museau. Repartit. Seule. L’homme ne suivait toujours pas. La bête revint. Face à l’homme, elle regarda ce grand être qui ne suivait plus, sentit son incertitude, souhaita qu’il sentît l’urgence de sa requête. Elle vit que l’homme tenait toujours le sac de petits blocs, le saisit de ses dents, fixa l’homme à l’air interdit puis soudain résigné, et partit, maintenant confiante qu’elle était suivie, et qu’ils atteindraient bientôt la fin du chemin de terre.
Bientôt le dernier arbre. Bientôt le son des vagues.
Bientôt la brise.
La mer.
Assise à côté du soulier du grand homme, la bête recracha le sac de petits blocs.