#7 : 14 juillet
Dimanche, ** juillet ****
Cher J.
Tout d’abord, je suis désolé pour le temps de réponse. J’espère de tout cœur que tes yeux pourront parcourir ces lignes, maintenant que le territoire où se trouve la maison de « Jones » doit être passé à l’Alliance. Je ne sais même pas si tu résides encore à ta dernière adresse connue et si tu as eu la folie de rester sur place. Sache que si tu m’as envoyé d’autres courriers depuis celui du dimanche ** juillet, je n’ai pas pu les recevoir. Tu m’en vois navré. Je t’écris actuellement de la maison familiale. Nous avons pu la rejoindre après un voyage chaotique et périlleux dont nous ne ressortons pas indemnes. Nous allons rejoindre la réserve avec les parents et nos deux sœurs...
Montréal est perdu. C’est terrible. Cela a pris deux jours, pas plus, une semaine après avoir reçu ta lettre. Je ne sais même pas par où débuter tant il y a eu des évènements croisés. Il y a avait une recrudescence d’infectés sur la rive sud. Cela ne mettait personne en de bonnes conditions sur l’île. Les militaires les abattaient à vue, en amont comme en aval ! Toute l’île s’est sentie sous pression avec ce carnage. Clarence est devenue plus agitée. Oui, je ne te l’ai pas présentée, Clarence... notre relation a évolué, à ce moment même. Tu devines qui elle est... La biologiste dont je tentais de soutirer des informations. En fait, elle m’a révélé qu’elle voyait clair dans mon jeu depuis le début, mais qu’elle s’en fichait, elle profitait de moi et trouvait cela drôle. Mais, surtout, elle était acquise à notre cause, ou plutôt moi à la sienne. Elle trouvait mes tentatives « touchantes de maladresse »... En fait, elle est dans la résistance passive et à un degré qui me dépasse, qui nous dépasse, je l’ai découvert. Bref... je peux laisser tomber mes espoirs d’espionnage (mes espoirs tout court vu la situation.) J’étais un peu en état de choc suite à la découverte de ce qu’elle a bien voulu me dévoiler. Elle m’a dit qu’il nous fallait quitter l’île au plus vite. En fait, elle avait déjà préparé ses affaires et les avait apportées chez moi. Le projet était de partir loin, à l’ouest. Elle savait où nous allions, mais ne voulait pas me le dire. Nous devions prendre ma voiture. Sans même un mot au bureau, nous sommes partis à l’aube, en traversant le plus tôt possible avec le ferry (c’est très étonnant de longer l’A13 sous les flots). Le barrage militaire n’a pas opposé d’obstacle, ils nous ont donné beaucoup de recommandations contre les infectés. Le midi même, les médias ont annoncé la propagation du Mimosa sur l’île et le décret de quarantaine ! À l’heure qu’il est, ils sont tous morts ou infectés !
Je n’avais jamais quitté l’île depuis le début du conflit, même pour aller voir les parents. Les routes sont vides et laissées à l’abandon, c’est chaotique, des véhicules gisent de temps à autre. Mais surtout, même sur la rive droite, des infectés circulent librement. Ils sont vifs, en fait, l’un nous a surpris en traversant la route ! Nous avons fait une embardée au point de quitter la route et de réaliser quelques tonneaux. À notre reprise de conscience, nous semblions aller bien, malgré des tensions musculaires, mais la voiture n’était plus utilisable. Nous n’avions plus d’autre choix que de quitter l’habitacle avec en tête la menace de contamination qui rodait à l’extérieur. Avant de nous aventurer trop loin, Clarence a sorti de ses affaires une petite mallette avec des seringues, je lui ai fait confiance... Nous nous sommes vaccinés avec le prototype le plus avancé qu’elle ait pu voler.
Nous étions alors proches de Pointe-au-Chêne. Facile de s’en souvenir, c’est à partir de là que l’ancienne autoroute passe sous les eaux. Nous avons marché pendant toute la journée, la peur au ventre, découvrant de temps en temps le faîte d’un clocher dépasser de l’eau. Mais tous les hameaux en préfabriqué par lesquels nous sommes passés étaient fantômes, bien que nous sentions des regards, peut-être notre imagination... Nous n’avons jamais poussé bien loin les explorations. Mais les infectés ne sont pas ce que les médias nous transmettent. Ils sont craintifs. En tout cas, le seul que nous avons croisé a fui à notre approche, son apparence était effrayante, mais aucune agressivité. Je pense que si nous n’en avons pas croisé d’autres, c’est qu’ils ont le même comportement. Nous sommes arrivés bien tard dans un dernier hameau, anciennement Thurso je crois, qui possédait encore des maisons hors de l’eau et après lesquelles certains habitants avaient « provisoirement » établi les fameux préfabriqués. Au début très timidement, puis de manière assurée, nous avons hélé de potentiels habitants dans le crépuscule. Mais personne n’a répondu, presque avec soulagement. Comme la nuit tombait, nous avons trouvé refuge dans une petite maison que nous avons pu sécuriser. L’électricité marchait encore, certaines conserves étaient encore bonnes. C’est comme si les habitants du village s’étaient évaporés.
Après un sommeil très perturbé, nous avons rapidement exploré les alentours immédiats. Près des « berges », au niveau de l’ancienne route qui s’enfonce sous les flots à cause du dénivelé, était stationné un pick-up dont la remorque soutenait un petit bateau. Mais les clefs n’étaient pas sur le contact. Cela nous a donné l’idée de chercher un véhicule, et ce ne fut pas long avant de trouver des couples de clefs et de voitures. Qu’est-il arrivé à tous ces gens ? Évacués, infectés ? Quoi qu’il en soit, nous avons opté pour la voiture avec le réservoir le plus rempli et avons repris le chemin vers l’ouest. Mais rapidement l’état de santé de Clarence a décliné. C’est là que j’ai pris la décision de rejoindre notre maison, je comptais de toute façon lui proposer.
Heureusement que le chemin vers la maison ne demande pas de passer par Gatineau, je crois qu’elle n’aurait jamais été autorisée à passer le contrôle, surtout venant de l’est. Nous avons donc quitté l’autoroute assez vite pour rejoindre le nord. Cela a été conflictuel une fois arrivé. Je les comprends, j’ai eu beau leur dire que son état était dû au vaccin... sûrement... je ne sais plus...
Toute la famille est partie vers le nord-ouest. Seule notre mère est restée avec Clarence et moi, nous les rejoindrons une fois Clarence rétablie.
Quant aux révélations... Il semble que le Mimosa ne soit rien d’autre qu’une arme bactériologique, à la base. Elle s’est transformée en virus... Un test de nos chers amis du sud, avant que la Confédération ne soit créée, afin de porter un coup aux troupes du front est-européen. C’est pour cela que la maladie est apparue là-bas en premier. Elle est devenue incontrôlable... J’en saurai plus une fois Clarence sur pied.
Tu as bien fait de prendre tes précautions pour ton dernier message. Je n’ai pas encore terminé de le décoder. J’aimerais que tu sois avec nous pour parler librement. Si le passage sous le joug de l’Alliance te permet une expression plus libre, n’hésite pas à m’éclairer. Sûrement que quand je présenterai ton courrier à Clarence, elle saura faire des liens plus complexes que les miens. Je lui soumettrai, dès qu’elle ira mieux... Elle ira mieux !
Je prends la décision de rester à la maison familiale jusqu’à réception de ton prochain courrier, en fin de compte, sauf cas extrême. Je n'ai pas osé avertir É de tout cela, de peur de fuite par la compagnie... Je ne sais plus...
Une fois la maison quittée, tu ne pourras plus nous joindre, à moins que le courrier ne soit encore distribué dans la réserve. Mais je te préviendrai quand nous partirons.
Ton frère,
Tout d’abord, je suis désolé pour le temps de réponse. J’espère de tout cœur que tes yeux pourront parcourir ces lignes, maintenant que le territoire où se trouve la maison de « Jones » doit être passé à l’Alliance. Je ne sais même pas si tu résides encore à ta dernière adresse connue et si tu as eu la folie de rester sur place. Sache que si tu m’as envoyé d’autres courriers depuis celui du dimanche ** juillet, je n’ai pas pu les recevoir. Tu m’en vois navré. Je t’écris actuellement de la maison familiale. Nous avons pu la rejoindre après un voyage chaotique et périlleux dont nous ne ressortons pas indemnes. Nous allons rejoindre la réserve avec les parents et nos deux sœurs...
Montréal est perdu. C’est terrible. Cela a pris deux jours, pas plus, une semaine après avoir reçu ta lettre. Je ne sais même pas par où débuter tant il y a eu des évènements croisés. Il y a avait une recrudescence d’infectés sur la rive sud. Cela ne mettait personne en de bonnes conditions sur l’île. Les militaires les abattaient à vue, en amont comme en aval ! Toute l’île s’est sentie sous pression avec ce carnage. Clarence est devenue plus agitée. Oui, je ne te l’ai pas présentée, Clarence... notre relation a évolué, à ce moment même. Tu devines qui elle est... La biologiste dont je tentais de soutirer des informations. En fait, elle m’a révélé qu’elle voyait clair dans mon jeu depuis le début, mais qu’elle s’en fichait, elle profitait de moi et trouvait cela drôle. Mais, surtout, elle était acquise à notre cause, ou plutôt moi à la sienne. Elle trouvait mes tentatives « touchantes de maladresse »... En fait, elle est dans la résistance passive et à un degré qui me dépasse, qui nous dépasse, je l’ai découvert. Bref... je peux laisser tomber mes espoirs d’espionnage (mes espoirs tout court vu la situation.) J’étais un peu en état de choc suite à la découverte de ce qu’elle a bien voulu me dévoiler. Elle m’a dit qu’il nous fallait quitter l’île au plus vite. En fait, elle avait déjà préparé ses affaires et les avait apportées chez moi. Le projet était de partir loin, à l’ouest. Elle savait où nous allions, mais ne voulait pas me le dire. Nous devions prendre ma voiture. Sans même un mot au bureau, nous sommes partis à l’aube, en traversant le plus tôt possible avec le ferry (c’est très étonnant de longer l’A13 sous les flots). Le barrage militaire n’a pas opposé d’obstacle, ils nous ont donné beaucoup de recommandations contre les infectés. Le midi même, les médias ont annoncé la propagation du Mimosa sur l’île et le décret de quarantaine ! À l’heure qu’il est, ils sont tous morts ou infectés !
Je n’avais jamais quitté l’île depuis le début du conflit, même pour aller voir les parents. Les routes sont vides et laissées à l’abandon, c’est chaotique, des véhicules gisent de temps à autre. Mais surtout, même sur la rive droite, des infectés circulent librement. Ils sont vifs, en fait, l’un nous a surpris en traversant la route ! Nous avons fait une embardée au point de quitter la route et de réaliser quelques tonneaux. À notre reprise de conscience, nous semblions aller bien, malgré des tensions musculaires, mais la voiture n’était plus utilisable. Nous n’avions plus d’autre choix que de quitter l’habitacle avec en tête la menace de contamination qui rodait à l’extérieur. Avant de nous aventurer trop loin, Clarence a sorti de ses affaires une petite mallette avec des seringues, je lui ai fait confiance... Nous nous sommes vaccinés avec le prototype le plus avancé qu’elle ait pu voler.
Nous étions alors proches de Pointe-au-Chêne. Facile de s’en souvenir, c’est à partir de là que l’ancienne autoroute passe sous les eaux. Nous avons marché pendant toute la journée, la peur au ventre, découvrant de temps en temps le faîte d’un clocher dépasser de l’eau. Mais tous les hameaux en préfabriqué par lesquels nous sommes passés étaient fantômes, bien que nous sentions des regards, peut-être notre imagination... Nous n’avons jamais poussé bien loin les explorations. Mais les infectés ne sont pas ce que les médias nous transmettent. Ils sont craintifs. En tout cas, le seul que nous avons croisé a fui à notre approche, son apparence était effrayante, mais aucune agressivité. Je pense que si nous n’en avons pas croisé d’autres, c’est qu’ils ont le même comportement. Nous sommes arrivés bien tard dans un dernier hameau, anciennement Thurso je crois, qui possédait encore des maisons hors de l’eau et après lesquelles certains habitants avaient « provisoirement » établi les fameux préfabriqués. Au début très timidement, puis de manière assurée, nous avons hélé de potentiels habitants dans le crépuscule. Mais personne n’a répondu, presque avec soulagement. Comme la nuit tombait, nous avons trouvé refuge dans une petite maison que nous avons pu sécuriser. L’électricité marchait encore, certaines conserves étaient encore bonnes. C’est comme si les habitants du village s’étaient évaporés.
Après un sommeil très perturbé, nous avons rapidement exploré les alentours immédiats. Près des « berges », au niveau de l’ancienne route qui s’enfonce sous les flots à cause du dénivelé, était stationné un pick-up dont la remorque soutenait un petit bateau. Mais les clefs n’étaient pas sur le contact. Cela nous a donné l’idée de chercher un véhicule, et ce ne fut pas long avant de trouver des couples de clefs et de voitures. Qu’est-il arrivé à tous ces gens ? Évacués, infectés ? Quoi qu’il en soit, nous avons opté pour la voiture avec le réservoir le plus rempli et avons repris le chemin vers l’ouest. Mais rapidement l’état de santé de Clarence a décliné. C’est là que j’ai pris la décision de rejoindre notre maison, je comptais de toute façon lui proposer.
Heureusement que le chemin vers la maison ne demande pas de passer par Gatineau, je crois qu’elle n’aurait jamais été autorisée à passer le contrôle, surtout venant de l’est. Nous avons donc quitté l’autoroute assez vite pour rejoindre le nord. Cela a été conflictuel une fois arrivé. Je les comprends, j’ai eu beau leur dire que son état était dû au vaccin... sûrement... je ne sais plus...
Toute la famille est partie vers le nord-ouest. Seule notre mère est restée avec Clarence et moi, nous les rejoindrons une fois Clarence rétablie.
Quant aux révélations... Il semble que le Mimosa ne soit rien d’autre qu’une arme bactériologique, à la base. Elle s’est transformée en virus... Un test de nos chers amis du sud, avant que la Confédération ne soit créée, afin de porter un coup aux troupes du front est-européen. C’est pour cela que la maladie est apparue là-bas en premier. Elle est devenue incontrôlable... J’en saurai plus une fois Clarence sur pied.
Tu as bien fait de prendre tes précautions pour ton dernier message. Je n’ai pas encore terminé de le décoder. J’aimerais que tu sois avec nous pour parler librement. Si le passage sous le joug de l’Alliance te permet une expression plus libre, n’hésite pas à m’éclairer. Sûrement que quand je présenterai ton courrier à Clarence, elle saura faire des liens plus complexes que les miens. Je lui soumettrai, dès qu’elle ira mieux... Elle ira mieux !
Je prends la décision de rester à la maison familiale jusqu’à réception de ton prochain courrier, en fin de compte, sauf cas extrême. Je n'ai pas osé avertir É de tout cela, de peur de fuite par la compagnie... Je ne sais plus...
Une fois la maison quittée, tu ne pourras plus nous joindre, à moins que le courrier ne soit encore distribué dans la réserve. Mais je te préviendrai quand nous partirons.
Ton frère,